Les soft-skills sans le côté marketing – Episode 5 : l’autocompassion

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La compassion on en parle souvent pour les autres mais jamais pour soi-même. Et quand on entend parler d’autocompassion, c’est le lever de boucliers : “Je vais passer pour une égoïste !” ou bien encore “Je ne veux pas avoir de la pitié pour moi-même” ou pire “C’est quoi ce truc niais ?!”. Pourtant chez Open Mind, on parle beaucoup d’autocompassion à nos clients parce qu’elle nous semble essentielle pour pouvoir optimiser sa façon d’être cognitivement et émotionnellement. Malheureusement, l’autocompassion souffre d’une mauvaise réputation, d’une réputation un peu “bisounours”. Aujourd’hui, nous allons donc tenter de donner ses lettres de noblesses à l’autocompassion en brisant les idées reçues.

Idée reçue n°1 : L’autocompassion, c’est s’apitoyer sur son sort, ça n’aide pas à avancer

Voici la position que la majorité des personnes ont dans la vie : lorsque quelque chose ne va pas dans notre quotidien et entrave notre bien-être, nous rentrons automatiquement en mode “résolution de problèmes” :

Il y a un problème – je ne veux pas de problème – je dois régler le problème immédiatement.

L’autocompassion suggère d’opter pour le comportement opposé. Si, au lieu de tout de suite chercher à résoudre le problème, on se place en premier lieu dans une posture d’autocompassion, cela permet de gagner en stabilité émotionnelle et psychologique pour résoudre le fameux problème par la suite.

Alors l’autocompassion concrètement c’est quoi ?

On peut définir l’autocompassion par ses trois composantes :

  • Bienveillance et non jugement :
    S’encourager, être patient et tolérant avec soi-même.  De la même manière qu’on prend des nouvelles d’un ami pour savoir s’il va bien, l’autocompassion c’est prendre des nouvelles de soi-même et faire en sorte que nos pensées sur nous-mêmes ne soient jamais des pensées dures qu’on ne dirait jamais aux autres.
  • Humanité commune :
    On appartient à la même humanité. L’humanité commune c’est oser être vulnérable. C’est accepter que ce qu’on vit est une expérience humaine, que notre souffrance est similaire à celle des autres. C’est ne pas penser que les autres font toujours mieux que nous afin de ne pas s’isoler dans la tourmente et la souffrance.
  • Pleine conscience : Il faut savoir suffisamment s’écouter pour se rendre compte lorsque ça ne va pas. Tout est une question d’équilibre : il faut s’autoriser à ne pas aller bien, c’est-à-dire ne pas fuir nos émotions négatives mais il ne faut pas non plus s’identifier trop fortement ou trop longtemps à elles.

Voici quelques questions à garder en tête pour savoir si on a une posture d’autocompassion : Suis-je bienveillant et compréhensif envers moi-même ? Est-ce que je reconnais les défauts et les échecs comme des expériences partagées par tous ? Est-ce que je relativise mes sentiments négatifs ? Comment puis-je me soutenir ?

 

Idée reçue n°2 “J’ai déjà une bonne estime de moi-même, l’autocompassion ne me servirait pas à grand chose

L’estime de soi et l’autocompassion sont deux choses distinctes qui apportent des bénéfices différents.

L’estime de soi, c’est l’évaluation de ce qu’on vaut, c’est un jugement par définition. Une mauvaise estime de soi peut fortement impacter son bien-être, tandis qu’une haute estime de soi amène à du narcissisme. L’estime de soi se construit sur le succès et est démolie par les échecs. Elle se construit aussi par comparaison avec les autres et est renforcée si on pense faire mieux ou valoir mieux que les autres. Dans l’autocompassion, il n’y a pas de comparaison aux autres. Face à un échec, l’autocompassion vient au contraire réparer les dommages qui s’ensuivent. Serena Chen et Juliana Breines de l’Université de Rhode Island ont réalisé une expérience montrant la différence d’impact de l’estime de soi et de l’autocompassion.

Dans cette étude, elles ont demandé aux participants de se souvenir d’une fois où ils avaient fait quelque chose qu’ils estimaient mauvais et où ils avaient ressenti de la culpabilité ou des remords. La majorité des transgressions des participants concernaient l’infidélité romantique, la mauvaise conduite scolaire, la malhonnêteté, la trahison de confiance ou le fait de blesser quelqu’un qu’ils aimaient. Ils ont ensuite été répartis au hasard entre trois groupes : un groupe “auto-compassion”, un groupe “estime de soi” ou un groupe de contrôle. Les participants du groupe “auto-compassion” ont été invités à s’écrire un paragraphe exprimant leur gentillesse et leur compréhension concernant leur transgression. Les personnes du groupe “estime de soi” ont été invitées à écrire un paragraphe décrivant leurs qualités positives. Les participants du groupe contrôle ont été invités à écrire à propos d’un passe-temps qu’ils appréciaient. Tous les participants ont ensuite rempli un questionnaire évaluant leur désir de faire amende honorable et leur engagement à ne pas répéter la transgression à l’avenir. Les chercheuses ont constaté que ceux ayant été encouragés à se traiter avec compassion ont déclaré être plus motivés à faire amende honorable et à ne jamais répéter la transgression. Beaucoup plus que les participants ayant été encouragés à répondre à la transgression d’une manière qui renforce l’estime de soi.

L’autocompassion permettrait donc de rentrer plus facilement dans une démarche de développement personnel. Ce qui vient introduire notre troisième idée reçue.

Idée reçue n°3 “Je dois être dur(e) avec moi-même pour me motiver”

On entend régulièrement que si on est trop gentil et souple avec soi même, ainsi qu’avec les autres, alors cela entraînera plus de comportements de fainéantise. Pour prouver que cette idée reçue est fausse, je pense que l’étude qui suit parle d’elle-même.

Dans cette étude, des étudiants ont d’abord passé un test de vocabulaire très difficile et ont reçu des commentaires indiquant qu’ils avaient obtenu de mauvais résultats. Les participants ont ensuite été répartis au hasard dans deux groupes. L’expérimentateur a fait la remarque suivante au premier groupe ayant la condition d’auto-compassion : « Si vous avez eu des difficultés avec le test que vous venez de passer, vous n’êtes pas seul. Il est courant que les étudiants aient des difficultés avec des tests comme celui-ci. Si vous vous sentez mal par rapport à ce que vous avez fait, essayez de ne pas être trop dur avec vous-même« . À l’autre groupe de participants, l’expérimentateur a plutôt dit « Si vous avez eu des difficultés avec le test que vous venez de passer, essayez de ne pas vous sentir mal dans votre peau – vous devez être intelligents si vous êtes entrés dans cette université« .

Par la suite, tous les participants ont été informés qu’ils allaient devoir passer un autre test de vocabulaire. Mais avant de passer le deuxième test, on leur a donné la possibilité d’étudier aussi longtemps qu’ils le souhaitaient une liste de mots et de définitions. Les chercheurs ont constaté que les participants ayant été poussés à traiter leur échec initial avec compassion étaient plus susceptibles d’adopter un état d’esprit de développement de leurs capacités en vocabulaire et de consacrer plus de temps aux révisions que leurs homologues en condition d’estime de soi. Il semble donc que la compassion ait ouvert la voie à l’amélioration de soi en créant un désir de travailler plus dur.

Conclusion : sans autocompassion, il n’y a pas de désir de faire mieux, au contraire ! Le risque d’un autre échec est vu comme drainant et il y a un plus haut risque d’abandon.

Idée reçue n°4 : “L’autocompassion n’a pas sa place dans le monde professionnel”

L’entreprise, c’est entre autre un quotidien où on doit avoir l’air d’avoir à peu près la réponse à tout, où louper  une deadline nous fait stresser, où on a peur de s’embarrasser durant une présentation, où un conflit avec un collègue peut se produire…. Dans ce contexte, pratiquer l’autocompassion permet :

  • De prévenir le stress. L’auto-compassion est fortement associée au bien-être émotionnel, à des niveaux de stress et d’anxiété bas, ainsi qu’à la capacité de faire face aux défis du quotidien.
  • D’acquérir en souplesse et en capacité d’apprentissage. L’autocompassion engendre également la résilience, c’est-à-dire la capacité à rebondir après une difficulté. Elle permet d’être agile et flexible.
  • D’avoir une vision globale des situations. L’autocompassion telle qu’abordée dans l’idée reçue n°1, donne la capacité d’identifier les problèmes sans le brouhaha du stress et des émotions négatives. On y voit plus clairement et on est meilleur juge des problèmes que nous vivons.

En bref, il n’y a pas un seul revers négatif existant dans l’autocompassion. Autant dans l’univers professionnel que personnel, elle est un atout pour aborder le quotidien avec flexibilité, adaptation, capacité inter-relationnelle et calme.

Alors, quand est-ce qu’on s’y met tous ? 


Auteur : Anaïs Roux

signature Anaïs Roux psychologue Open Mind


SOURCES

https://hbr.org/2018/09/give-yourself-a-break-the-power-of-self-compassion

https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2019.01148/full

https://www.youtube.com/watch?v=vWNSNosnEAw

https://www.youtube.com/watch?v=rUMF5R7DoOA