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Une mutation numérique réussie passerait-elle par le cerveau ?

Publié dans EDI, édition N°114 – Février 2022

Les neurosciences ont beaucoup inspiré le développement de l’intelligence artificielle, pilier de la mutation numérique. Mais là n’est pas leur seul apport en la matière : elles permettent de mieux comprendre et de dépasser les résistances au changement, clé de succès de tout projet SI.

Par Nicolas Bassan, Responsable Science et Innovation chez Open Mind Neurotechnologies™

Imaginez le facteur humain comme un système informatique : un hardware, la couche de base et un software, l’ensemble des mises à jour acquises. Conçu il y a 200 000 ans, notre hardware est resté relativement stable.

C’est ce hardware, notre système nerveux, qui régit nos réflexes dit “archaïques”, de combat, fuite ou de récompense par exemple. Le hic, c’est que notre environnement a, lui, bien changé : sur les chaînes d’information en continu ou via les réseaux sociaux, les stimuli sont incessants pour notre hardware, qui atteint ses limites de capacité.

Résilience et surchauffe

Notion aujourd’hui un peu galvaudée, la résilience revêt une matérialité neuroscientifique. Notre système nerveux autonome est constitué du système nerveux sympathique, la pédale d’accélérateur provocant un ensemble de réactions physiques en cas de stress (mains moites, accélération du rythme cardiaque, etc.) Il a son pendant, le système parasympathique, qui appuie sur le frein pour retrouver l’état nominal. Mis sous pression de la sur-adaptation chronique, il devient plus difficile de retrouver cet état de base. Une “charge allostatique”[1] se crée alors progressivement, véritable poids de la surstimulation accumulée et mal régulée.

Malheureusement, cette sur-adaptation n’est pas totalement visible ou perceptible, notamment par les personnes qui ont une faible “intéroception” – c’est-à-dire qui se connaissent mal et sont peu attentives aux signaux de leurs corps. Sans aller systématiquement jusqu’au burnout, cette accumulation insidieuse revêt des impacts significatifs sur le bien-être, mais aussi sur les compétences de flexibilité (-7 points), de créativité (-9 points), et de travail en équipe qui diminuent drastiquement, comme nous l’avons mesuré dans notre étude d’impact avant et après COVID[2].

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Comprendre les fondements neuroscientifiques du stress et de son impact négatif sur les comportements d’adaptation est un levier majeur pour bien positionner sa mutation numérique.

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La technologie au secours

Pour inviter à adopter un nouvel outil, évitez de brandir systématiquement les risques fatals à ne pas changer. Intégrez plutôt dans vos programmes de conduite du changement des approches aidantes pour muscler les ressources naturelles face à l’adversité. Car développer le frein de son système nerveux autonome et la flexibilité mentale est possible. Pour les personnes déjà converties, un programme de méditation de pleine conscience est un bon levier. Mais pour beaucoup de professionnels, un pas significatif reste à accomplir avant l’adoption de telles pratiques… Pour parler aux geeks : choisissez des programmes à base de jeux vidéo et de biofeedback ! Inspirés des thérapies brèves, en particulier des thérapies cognitives et comportementales déjà largement utilisées par les psychologues sur le traitement de l’anxiété, voilà de nouveaux outils pour accompagner un changement humain serein et durable.

Autre intérêt de la technologie : la donnée. Beaucoup de freins culturels profonds sont quantifiables grâce à la mesure dans les jeux des comportements en situation d’adaptation. Ensuite, grouper et anonymiser les données est la seule manière de mettre une équipe ou une organisation face à ses freins à l’agilité ou à l’innovation, comme un réflexe exacerbé de surprotection face au risque ou une faible flexibilité mentale en environnement incertain. Et donc de les transformer à coup sûr en agents de changement. Que ce soit pour les équipes IT elles-mêmes, particulièrement exposées aux risques, ou pour les équipes métier au cœur de l’adoption d’un nouvel outil : la palette d’outils s’élargit grâce aux neurosciences et permet une mutation numérique réussie ! 

[1] Do Yup Lee, E. K., & Choi, M. H. (2015)
[2]
https://www.omind.me/etude-dimpact-le-corps-les-emotions-au-coeur-de-la-performance-post-covid/